"MA GRAND' MÈRE "B'NINA" (LA SUCCULENTE) PLEURAIT A CHAUDES LARMES QUAND ELLE L'ÉCOUTAIT". Par MS.LAMARA

Publié le par LAGHOUATI

"MA GRAND' MÈRE "B'NINA" (LA SUCCULENTE) PLEURAIT A CHAUDES LARMES QUAND ELLE L'ÉCOUTAIT". Par MS.LAMARA
"MA GRAND' MÈRE "B'NINA" (LA SUCCULENTE) PLEURAIT A CHAUDES LARMES QUAND ELLE L'ÉCOUTAIT". Par MS.LAMARA
"MA GRAND' MÈRE "B'NINA" (LA SUCCULENTE) PLEURAIT A CHAUDES LARMES QUAND ELLE L'ÉCOUTAIT". Par MS.LAMARA
"MA GRAND' MÈRE "B'NINA" (LA SUCCULENTE) PLEURAIT A CHAUDES LARMES QUAND ELLE L'ÉCOUTAIT". Par MS.LAMARA

 

 

KHELIFI AHMED LE GRAND MAITRE DE LA CHANSON BEDOUIE: MA GRAND' MÈRE "B'NINA" (LA SUCCULENTE) PLEURAIT A CHAUDES LARMES QUAND ELLE L'ÉCOUTAIT. SUIVEZ LE GUIDE:

En me délectant de cette enivrante halte sur l'enviable parcours du grand maitre du bedoui qu'était Khelifi Ahmed, je ne pus m'empêcher de verser de chaudes larmes, non pour m'apitoyer sur mon passé et les tristes moments dont il a été marqué, mais plutôt pour pleurer le déplorable état auquel est parvenu notre cher pays. En effet, chaque jour notre bien aimée Algérie pleure, geint et se lamente sur les trahisons que ses propres fils lui ont infligées.
En écoutant ces extraits des mélopées secrétées par le chaud et envoutant gosier de Khelifi Ahmed, la nostalgie m'a, à la vitesse de l'éclair, transporté jusqu'à ma tendre enfance. L'image de ma grand' mère paternelle, l'inénarrable "bnina" (la délicieuse) m'est revenue à l'esprit. Je l'a revois engoncée dans son ample "abaya", le chef et les épaules recouverts d'un blanc "ouaga" ajouré. Adossée au mur en pisé de notre jardin inondé par les doux rayons d'un soleil printanièrement précoce, mamie était secouée de soubresauts frénétiques et saccadés. Je me suis précipité vers elle pour lui apporter quelque secours. Non elle n'avait aucun malaise. D'ailleurs en me voyant éploré, elle fit vite d'essuyer du revers de sa main les chapelets de larmes incrustés dans les profonds sillons de son doux visage parcheminé par les ans. Pourquoi pleures-tu jedda lui ai-je dit. Elle m'attira vers elle pour m'embrasser et me caresser longuement la nuque tout en tortillant entre ses doigts effilés si habitués à glisser les fils de laines dans les trames du "mensej" (métier à tisser traditionnel) les longues mèches de cheveux tombant sur mes épaules. Elle me fit assoir face à elle, tira de la poche sa tabatière façonnée dans une corne de taurillon, y puisa une généreuse pincée de fine "chémma" parfumée de "gatrane" (huile de cade) et de cendre de "rtem" qu'elle logea avec soin dans sa narine tout en la reniflant avec un soupir de délectation. Aussitôt, se dessina sur son visage une aura proche de l'extase. Le regard fuyant à l'horizon elle me confit en pointant le doigt vers le sud: "vois-tu mon petit,notre douar (elle le désignait sous le nom de "3rab") est de ce côté, il me manque terriblement. Je languis les grands espaces de la steppe embaumant le chih, je languis la brise libre caressant mon visage, je languis le hennissement des fougueux chevaux et le bellement des brebis flanquées de leurs adorables agneaux, je laguis de m'accroupir au bord de l'oued pour laper l'eau de la source rivière... Je languis, je languis "twahacht", "twahacht". Je vais supplier ton père de m'y conduire demain dans la calèche." "youpi, lui ais-je lancé, j'y vais avec toi djedda." 
Avec le recul et le zoom sur les tendres réminiscences, je me suis rappelé, avec exactitude, la raison qui avait poussé ma grand' mère à céder au puissant appel de la nostalgie. Elle tenait entre ses genoux l'antique TSF de mon père qui ce matin là débitait la belle chanson de Khelifi Ahmed : " galbi tfakar 3ourban rahala" (mon cœur s'est souvenu des pasteurs nomades et de leurs fantastiques pérégrinations).
C'était à la fin des années cinquante. Plus de soixante ans après, je me suis retrouvé, en ce saint vendredi du 25 décembre 2015, dans la même posture émue et chagrinée de ma regrettée grand' mère en écoutant cet extrait de la chanson de l'émérite Khelifi Ahmed qui disait à peu près ceci: le mauvais sort sur moi s'est acharné et mon cœur ne cesse de souffrir. Pourquoi o ! Toi sage et perspicace homme me plains-tu? Écoutes ce que je m'en vais te dire: que peut faire l'homme face au décret de son Créateur? Et si c'est le sort qui détermine ton parcours, alors à quoi bon courir après lui et le supplier."

 

Publié dans Med Seddik LAMARA

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D
Je croise les doigts et je dis ... "J'aime!!" ... Tout va bien ...je continue alors!! <br /> Pas que j'aime seuleument. Au fait, j'aurais cliqué "J'adore" si google, ou je ne sais qui avait ajouté cette mention?? <br /> Certainement!! C'est un texte merveilleux. Des souvenirs peignant un magnifique tableau mettant en avant une âme pleine de vie, un personnage authentique, dans une scène ordinaire et spécifique que je perçois nettement sans l'avoir jamais connue!!<br /> Je finis avec cette mélodie enchanteresse, en hommage à Bnina, à son époque !!
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L
Cela fait bien longtemps que je ne vous ai pas lue Dania ! Vous venez d'exprimer avec un art consommé l'hommage rendu à mon modeste texte que j'ai, sous l'emprise d'un indicible attendrissement, tracé d'un seul jet pour faire revivre cette scène remontant à une époque déjà bien lointaine. Je suis agréablement surpris de constater que nous avons les mêmes inclinations nostalgiques et des profils de style similaires. En effet, j'ai souvent eu le plaisir de savourer vos captivantes contributions à l'exemple de celle remémorant les souvenirs de la potache pensionnaire que vous fûtes s'en retournant, envahie par le spleen à l'internat de son collège. Merci Dania pour votre sympathique clin d'œil.