Grandeur et Sagesse par M.Kradra
Grandeur et sagesse
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément »
Cette remarquable Maxime, pleine de bon sens et de sagesse, dont l’auteur n’est sûrement pas un classique français, encore moins un illustre sage du soleil levant, Son auteur est bien notre regretté maître, notre brillant prof Hadj Hmida Kada, l’emblématique figure qui avait de son vivant , Allah Yarahmou, si fortement et si remarquablement bien imprégné et bien marqué son époque et ses contemporains, aussi bien compatriotes que français, par sa riche érudition, par sa vaste culture générale, par sa bien imposante stature, par sa prestance, ainsi que par son élégance. Apparences physiques, qui à l’instar de ses brillantes qualités intellectuelles forçaient le respect et l’admiration de tous ceux qui le côtoyaient.
Par Son altruisme, sa modestie et son légendaire subtil humour, dont il ne s’en séparait jamais. Il incarnait une véritable grande école, rayonnant le savoir, la rigueur et la sagesse, hélas, qualités réunies bien rares et introuvables de nos jours, il était le dernier honorable représentant de la vieille et respectable école de jadis.
Il était d’une polyvalence rare et sans égale, un véritable générateur de savoir et de connaissances. En classe il nous avait enseigné bon nombre de matières et de disciplines, avec le même talent, la même aisance et la même parfaite maîtrise. A l’écouter dispenser un cours de musique, comme ce fut le cas, vous me diriez sans hésitation aucune que c’est un authentique prof de musique, lisant le solfège tout en battant magistralement la mesure, à l’image d’un authentique prof de musique, formé dans un conservatoire digne de ce nom.
Il avait le don et la faculté de s’accommoder et de s’adapter avec une facilité et une aisance déconcertante à toutes les situations et à toutes les circonstances, avec la même volonté et le même acharnement, dans l’exercice de sa noble mission d’enseignant. La passivité et le découragement ne figuraient ni dans son dictionnaire, ni dans ses actes. Il avait l’agréable particularité d’agrémenter ses cours par de fréquentes ouvertures de parenthèses à caractère humoristiques, pour illustrer l’idée voulue, pour rompre la monotonie de l’ambiance et raviver l’attention des élèves. Il cultivait sans commune mesure le surpassement de soi même, qualité qu’il n’a cessé de cultiver jusqu'à sa mort.
Il était d’une éloquence rare, avec le jardinier il était l’interlocuteur modèle respecté, l’orateur écouté, le grand connaisseur au moindre petit détail des abc du jardinage et de ses plus petits secrets, méconnus par le commun des mortels. Il était l’ami, le conseiller, le consultant de tous les jardiniers et cultivateurs qui avaient recours à ses précieux conseils, dans la gestion de leurs champs et de leurs potagers.
Je me rappelle durant la période coloniale, vers la fin des années 50, lors d’un cours de français qu’il nous dispensait au même titre que les cours d’histoire géo, en nous rendant nos copies de dissertations, il fit la remarque, à juste titre et bien opportune, fort blessante et fort rétrogradante à l’adresse des collégiens et collégiennes français de souche qui étaient avec nous dans la même classe « Vous n’avez pas honte, vous autres français, les élèves autochtones qui maîtrisent votre langue mieux que vous ! Oh quelle honte ! Effectivement, en nous rendant nos copies classées par ordre décroissant des notes, les quinze premiers étaient toujours nous autres élèves arabes, pour qui cette agréable remarque réveillait un certain élan de nationalisme, de patriotisme et un certain regain de confiance en nous-mêmes, générant une certaine aisance et une légitime réhabilitation de nos valeurs et de nos aptitudes propres, face à une administration coloniale qui ne ménageait aucun effort pour incruster en nous le complexe d’infériorité, de sous développés et de colonisés, face à leur compatriotes français de souche. La remarque délibérée de notre audacieux maître, à l’adresse des élèves français avait rehaussé notre valeur et notre légitime sentiment d’égal à égal, à part entière, et de respectable vis à vis face au colonisateur et à son insolente et prétentieuse progéniture.
Notre honorable et respectable maître el Marhoum Hadj Ahmida Kada, personnalité d’une grande envergure, qui incarnait toute une école de qualités et de vertus, bien imprégnée et bien rayonnante de nos valeurs typiquement sahariennes. A travers toute son époque il est resté le fidèle égal à lui-même, imperturbable et impassible aux vicissitudes de la vie et à l’adversité injuste, bien subjective et délibérément malveillante à son égard et à ses immenses talents et mérites, je dirai même, que compte tenu de ses innombrables qualités et sa vaste et riche expérience, il aurait pu être ministrable et cela n’aurait été que justice rendue. Et adversité malveillante opportunément asphyxiée.
Je me rappelle, durant la Révolution Algérienne, juste à la veille du cessez le feu, alors que nous membres de l’A.L.N, étions encore dans les maquis à djebel lazrag, soudain, divine surprise ! mon honorable maître, si Hmida fit inopinément son apparition chez nous au maquis, accompagné d’un ittissal de l' A.L.N. O combien grandes furent mon émotion et ma surprise de me retrouver face à mon illustre maître. Lui également il ne pouvait dissimuler sa profonde émotion et sa grande joie de se retrouver face à son ex élève qui lui doit tout de son modeste savoir. Après une longue étreinte interminable, exprimant la satisfaction, la joie et le bonheur des grandes retrouvailles. C’était bien plus qu’une bise amicale et bien plus qu’un Salam Alek ordinaire, c’était bien une étreinte affectueuse d’un père à un fils qui lui avait selon lui fait honneur, et qui lui avait tant manqué, d’un maître à son élève qu’il a jadis formé et auquel il avait une fois administré des claques bien méritées, sous forme de gifles magistrales, qui lui valurent la vision de jour, d’étoiles multicolores fictives dans un espace interplanétaire également fictif
Il a laissé une honorable progéniture, à son image, à la tête bien faite et super bien pleine; à la hauteur des talents et des mérites de leur regretté père, aussi doués et aussi brillants. Deux spécialistes en médecine et pas des moindres, fort appréciés par la quasi totalité de la population de la wilaya de Laghouat. L’un d’eux, de profession ophtalmologue, inventa lorsqu’il pratiquait la médecine au canada un instrument médical dans la filière de la profession, invention fort appréciée par le corps médical canadien, invention reconnue en tant que tel et qui porte à ce jour son nom de famille.
Le commun des mortels lorsqu’il décède, il laisse une place vide, temporairement inoccupée, mais qui se comble rapidement, quant aux grands hommes, lorsqu’ils disparaissent, ils demeurent irremplaçables et au lieu d’une place, ils laissent un gouffre à jamais inoccupé et notre illustre maître en est un exemple.
Mes hommages à titre posthume à notre regretté maître et à notre irremplaçable force tranquille. Puisse Dieu accorder à notre regretté défunt sa Sainte Miséricorde et l’accueillir dans son vaste Paradis Amine.
M . KRADRA
Article paru pour la première fois le 29 9 2009
Allah yarham l'auteur de ce bel article , notre cher ami disparu depuis quelques petites années et pour qui nous avons les plus tendres pensées.
M.Hadj Aissa le 4 12 2016