Le Laghouat de mon enfance n'est plus qu'un beau reve
Le Laghouat de mon enfance n’est plus qu’un beau rêve !
Laghouat, je l’ai quittée en 1959, il y a cinquante ans presque jour pour jour. Je vis toujours loin de la ville qui m’a vu naître, grandir et évoluer dans sa magnifique palmeraie jusqu’à l’age de 12 ans. La séparation me pèse mais il y a des circonstances dans la vie contre lesquelles vous ne pouvez rien, il faut les accepter avec philosophie et se plier à la volonté de Dieu le tout-puissant qui dirige chacun de nos actes. Mais cette séparation de près d’un demi-siècle n’a jamais pu me tenir éloigné de ma ville parce que je l’ai dans le cœur et personne ne peut m’enlever cette folie que j’ai pour celle que je considère comme la plus belle des villes du monde : plus belle que la plus belle des belles
Je vais à Laghouat trois à quatre fois par an et à l’occasion de l’une de mes dernières visites, comme il m’arrive de la faire, je vais sur les lieux où j’ai fait mes premiers pas dans la vie. Je suis né et grandi à la « grande seguia », j’y suis donc retourné en quête de ressourcement mais quelle désolation et quelle déception ! Tout ce qui faisait le charme de cette rue, qui était rangée parmi les plus belles rues de la ville, a disparu : point de seguia, point d’arbres qui faisaient ombrage, point de fontaine publique. A la vue de ce qu’est devenue la rue qui m’a vu naître, jouer et nager dans l’eau limpide de sa seguia, on se sent envahi d’une tristesse infinie et d’une profonde amertume. Je me suis senti, d’un coup, étranger à cette ville, comme s’il s’agissait d’une toute autre ville, d’une ville où je mets les pieds pour la première fois.
J’ai continué à remonter la rue dans l’espoir de revoir ce qui peut me rappeler tant soit peu la ville de mon enfance mais peine perdue, tout avait changé. Cela a tellement changé qu’il m’a été difficile de reconnaître la maison où je suis né : notre maison était, à l’époque, la première de la rue mais aujourd’hui on pouvait compter plusieurs portes avant d’atteindre la notre. Il y avait peu de constructions, la rue était constituée pour l’essentiel de jardins verdoyants et cela jusqu’au bout de la rue et des rues avoisinantes.
Continuant mon bout de chemin j’atteignis la rue Zebara, la rue des jardins par excellence, la rue où se trouvait le jardin de mon grand-père. Je me suis dis je vais revoir le jardin qui m’a vu gambader comme un fou dans ses allées et goûter à ses merveilleux fruits. Mais il faut dire que je ne suis pas arrivé à reconnaître la porte du jardin à cause de la multitude de portes de nouvelles constructions : maisons, boutiques. Je fis plusieurs fois le tour des maisons dans l’espoir de retrouver le jardin et n’y arrivant pas j’ai dù demander à un passant qui m’a indiqué le chemin. Comment en arriver à ne pas reconnaître l’endroit où on a vécu ses plus belles années dans la vie, comment en arriver à demander le chemin à une personne qui n’était même pas de la ville. C’est triste, comme je me sens triste et plus éloigné que jamais de cette ville qui m’est devenue brusquement étrangère. Ce n’est pas cette ville que j’ai connue, il y a un demi-siècle, rien ne lui ressemble, non, rien !
Laghouat de mes folles années, qu’ont-ils fait de toi ?
Toi, qui était si belle, si attrayante, si envoûtante, si jeune, que t’arrives-t-il ?
Pourquoi la jeunesse a laissé place à la vieillesse et la beauté à la laideur ?
Pourquoi es-tu devenue ainsi ?
Pourquoi a-t-on de la peine à te reconnaître ?
Où sont tes jardins et tes seguias ? Que sont devenues tes rues si propres et si larges ?
Pourquoi n’as-tu personne pour t’aimer ?
Qu’as-tu fait pour mériter un tel sort ?
Où sont tes enfants ?
Tu en avais pourtant qui avouaient t’aimer et qu’ils te défendraient et ne te laisseraient pas mourir ? Ils t’ont abandonnée et t’ont laissée souffrir jusqu’à en mourir ?
Pourquoi tant d’ingratitude ? Pourtant tu les aimais, toi, tu les as toujours aimés, tu les as protégés et couverts de ton amour ?
Mais, c’est peut-être de ta faute ? Peut-être que tu le mérites ?
Tu as peut-être voulu te moderniser top vite ! Peut-être que tu as voulu imiter un peu trop les autres villes du nord auxquelles tu as voulu ressembler ?
Mais je continuerai à t’aimer malgré tout, je continuerai à me reconnaître en toi à travers le peu de choses qui restent encore de toi.
Laghouati le 8 février 2008
Commentaire de mon ami Lakhdar
Cher ami Hadj Mohamed ,
Comme tu l'as si bien dit Si El-Hadj : Accepter avec philosophie. Cela veut dire tout simplement que toi et ceux qui te ressemblent comme moi même par exemple, ont été élevés dans un environnement pur et sain. Un lien fort est établi dès le jeune âge avec les parents, les voisins, les amis, la rue, le quartier, l’école et toute la ville, même avec ses fous qu’on respectait et aimait. Mais, Cher ami Hadj, une ville est comme une vie, elle évolue, grandit, change. Seuls qui évoluent pour ne pas dire vieillissent, peuvent se rendre compte de ce phénomène inévitable. Je ne t’apprends rien dans tout cela, je ne fais que te supporter. Ceux qui sont toujours là, sur place, sont comme nous aussi. Ils éprouvent cette profonde nostalgie du passé qui est due aux profonds changements voire la métamorphose à laquelle ils ont amèrement assisté et peut être contribué.
Si ton grand père ou ton arrière grand père te parlerait de son enfance, ils t’exprimeraient les mêmes sentiments d’amour et de nostalgie pour ce qu’ils avaient vécu. Mais ils te parleraient jamais de ce que toi même avais laissé derrière, il y a 50 ans. Ce serait d’autres références, j’allais dire une autre Laghouat qu’ils te décriraient. Mieux encore cher Hadj ! Et si tu avais passé 50 ans à l’extérieur du pays !? Qu’est ce que tu deviendrais toi qui aime comme moi et ceux qui nous ressemblent, sa ville, son pays, son passé !? Acceptons tout simplement ce changement et cet avancement dans l’âge avec sérénité, sagesse et philosophie. On voyagera mieux dans le passé et savourera encore mieux le goût de nos souvenirs sans oublier de se tenir prêts pour le grand voyage pour l’ultime destination
Tout finit par devenir de l’histoire. Faisons la correctement !
Lakhdar
Commentaire d'Agathe:
bonjour Monsieur
j'aime infiniment votre article beaucoup de regrets , c'est toujours ainsi, quand on retrouve la ville de son enfance, je crois que dans n'importe quel pays du monde,
50 ans après tout a tellement changé que l'on se sent perdu , un peu dépouillé de ce que l'on aimait tantj'ai eu cette meme impression quand je suis retournée dans " ma ville " que j'avais quittée à 18 ans,je n'ai presque rien reconnu , si la poste l'église. . .
j'ai toujours du mal à y retourner ,ma maison n'existe plus," ils " l'ont abattue et ont pris le terrain pour faire un super marché, la honte merci à vous
amicalement
agathe