Douces évocations de la ville de Médéa

Publié le par Laghouati

 

 

 

Notre ami Cotte Nouredine, qui était professeur d’anglais à l’institut Algérien du pétrole, devenu après Naftofgaz, avait pour habitude à la fin de chaque promotion de stagiaires, d’éditer un petit cahier dans lequel il notait ses appréciations sur chaque élève. Dans un style remarquable, je vous livre ses impressions sur un élève originaire de Médéa et ce que lui inspire cette ville.

 

 «  Un jour, c’était un vendredi comme je me traînais cahin-caha pas loin du souk de Hassi-Messaoud, je tombai sur toi. Tu es l’un de mes élèves au centre de formation de Naftogaz et l’un des plus brillants. J’étais en quête d’un café valable où je puisse prendre un café crème et me reposer avant de repartir du pas pesant continuer mes achats et m’entraîner  un peu plus avant à marcher en somme, un peu droit…..comme un homme qui ne souffrirait que d’hémiplégie.

Je t’invitai à prendre un café, le café est fort heureusement à deux pas de l’endroit où je me trouvais.

-« Je n’aime pas les cafés, Monsieur, mais je viens avec vous »

-« Vraiment, c’est le contraire pour moi. J’adore l’ambiance du café : on s’occupe de vous quand vous avez soif. Et puis il y a des gens….Ceux qui se prélassent, ceux qui se désaltèrent, ceux qui discutent les matchs, le voyage et les affaires….C’est vraiment un monde, n’importe, vous étes d’où ? « 

-« De Médéa

-« De Médéa, c’est une jolie ville. Mais elle a le goût du lucre.  Les Médeens sont réputés être de grands marchands.

Les raisins de Médéa, à Laghouat quel délice ! D’ailleurs « L’mdani » signifie à Laghouat le marchand de fruits et légumes originaire de « El-M’dya », fut-il de Tambouktou, un marchand de fruits et légumes est un Médeen.

J’ai été toujours frappé par l’appât du gain chez les jeunes enfants de Médéa. Leur volonté de vendre des sandwichs ou des boissons gazeuses aux voyageurs de bus qui passent par là, relève de la virtuosité.

Je garde un très bon souvenir de cette ville, mon père étant enfant, y a passé quatre années de sa vie, il a été à l’école, il suivait dans leurs déplacements les Spahis dont mon grand-père faisait partie.  C’est ainsi qu’au cours d’une de ses mutations, il se trouva habitant de la grande ville de Médéa. C’est là aussi qu’il eut,  d’un très bon maître originaire de Kabylie, les bases du bon français, qu’il parlait aussi bien que son Arabe maternel.

Médéa évoque aussi en moi les grands froids…..Mon père a dù souffrir du froid Autrement je ne vois pas pourquoi cette ville où je n’ai passé une seule nuit, incarnerait pour moi le Grand Nord, en somme …le Yukon et l’Alaska.

Je crois que c’est par un rêve trans-mémorial que m’est restée cette image en souvenir ; elle me serait venue de mon père ….Toujours est-il que, dans les années 80, je suis passé par Médéa couvert de, je ne sais combien de neige….

 

C’était comme une « offrande immaculée au Maître des Mondes ».

 

Le temps est passé très vite et il fallait rentrer à Naftogaz, en moins de temps.

 

Ecrit par Nouredine Cotte

 

 

Commentaire de laghouati

 

Médéa se trouve à quelque 300 Km de Laghouat et à 100 Km d’Alger.

Le premier marchand de fruits et légumes est arrivé à Laghouat vers les années 50. Il s’agit de Benkaouar qui tenait commerce au centre-ville (Place d’Alger). On trouvait chez lui toutes sortes de fruits et légumes qu’il faisait venir de Médéa, il vendait même les fruits exotiques qui constituaient pour les enfants que nous étions un véritable objet de curiosité. Les familles de Laghouat qui possédaient leurs propres jardins achetaient peu chez le sieur Benkaouar hormis les pommes de terre qu’elles ne cultivaient pas. Sa clientèle était essentiellement constituée des riches familles  de Laghouat et des européens (militaires vivant en famille et les enseignants en majorité). Monsieur Benkaouar était pratiquement le seul sur la place, il a été rejoint bien après par d’autres compatriotes lorsque les beaux vergers et jardins qui ont fait la réputation de Laghouat  ont disparu, laissant derrière eux  peine et désolation. 

Publié dans N.COTTE

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À bien y réfléchir, il y a une relation de cause à effet entre l’arrivée de Benkouar et la désuétude des jardins de Laghouat. Benkouar est arrivé à la fin des années 40 ; il vendait surtout des pommes de terre et quelques légumes bizarres, comme les artichauts, les petits pois et les haricots verts. Sa clientèle était essentiellement européenne, car les "indigènes", y compris les juifs, mangeaient ce que produisaient les jardins, à la saison où c’était produit. Leurs moyens ne leur permettaient pas d’acheter ce qui venait du nord, même si, avant Benkouar, il leur arrivait d’acheter une ou deux fois l’an des pommes de terre que mon père faisait venir en sacs de 25 kilos, et si on voulait des petits pois parce qu’on avait des invités, on achetait une boîte, il y en avait pour tous les prix. Il y eut cette splendide année 1952. Dans toute la région on l’a vue comme une manifestation de la miséricorde divine : une belle année pour les éleveurs nomades et les céréaliers et le départ de l’administrateur Hirtz. Les éleveurs nomades, en particulier, ont vu leur moyens décuplés et sont devenus des consommateurs très importants de biens et de services et les gens de Laghouat en ont bénéficié en premier, comme ils avaient quelques années plus tôt, souffert de la misère de ces mêmes nomades. On a même vu arriver un dinandier et un bourrelier pour les selles en "majboud". Les grands "jardiniers" de Laghouat avaient tous, à ce moment-là, la cinquantaine passée. Leurs fils ont été scolarisés et pouvaient trouver facilement un travail salarié qui, en tout état de cause et avec beaucoup moins de fatigue et de soucis, rapporterait plus que la vente des produits du jardin, avec ses aléas ; il faut rappeler que le "jardinier" déposait ses légumes le matin chez un commerçant de l’avenue ou de la place et revenait le soir pour voir ce qui s’était vendu et à quel prix ; souvent il était prié de reprendre sa "marchandise" parce que personne n’en avait voulu et cette marchandise était dans un tel état qu’on ne pouvait plus que la donner aux chèvres. Avec les fils qui ont trouvé un salaire et les filles qui ont au moins appris la broderie et la couture, il y avait un peu d’argent dans la famille et on ne se consacrait au jardin que pour ses arbres (parce que ce sont des arbres, qu’il est criminel de ne pas les entretenir et que leurs fruits, dattes, hermès et manthour trouvaient toujours acquéreur chez les nomades) et pour quelques légumes irremplaçables (piment "khanchouch larnab", salade, aubergine, oignon primeur et carottes d’El Assafiya), sans se priver des légumes et des oranges que Benkouar importait et qui étaient désormais à portée de la bourse du laghouati moyen. Cet afflux de clientèle a permis à cet excellent commerçant de mieux s’organiser et de rentabiliser son transport ; ce qui a encore réduit les coûts et Benkouar en faisait profiter ses clients en réduisant les prix ; cette situation idéale a duré ce que durent les situations idéales et la nature humaine a des appétits qu’il est difficile de brimer. Comme par ailleurs il fallait marier les fils, qu’on ne pouvait pas se payer le luxe (au demeurant mal vu "wach igoulou ennas") d’une location chez un tiers, que les terrains susceptibles d’être construits étaient terrains militaires de souveraineté, non cessibles aux indigènes, on a estimé qu’on pouvait disposer d’un ou deux feddanes pour construire une pièce pour le nouveau couple, la "cuisine" étant commune ; on s’est attaqué au jardin ; qui a été le premier, personne ne s’en est vanté, alors que « nécessité fait loi », dit-on.<br /> Pouvait-on l’éviter ? Non, à moins de refaire l’histoire. Le séquestre de janvier 1853 a fait un mal immense à la population de Laghouat et aux populations qui lui sont, sociologiquement, liées. Ce séquestre a été militaire ; on a vu que les séquestres coloniaux ont été levés dès les premières années de l’indépendance ; il n’en a pas été de même pour les séquestres militaires ; c’est une des erreurs de notre société qui n’a pas considéré qu’il y avait urgence à le traiter dès l'indépendance.
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K
bonjour Nouredine;c toujours un plaisir de te lire; cela fais un bail; l'essentiel est de te voir toujours en bonne santé.krim.
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