El Hadj Abdelkader B’l Al Farouge.- par N.COTTE

Publié le par LAGHOUATI

Au milieu du trio Hadj Abdelkader, l’homme aux lunettes, au premier plan Kakachi, au dernier Kaddour Sonne.

Ceux  d’entre les Laghouati qui s’en souviennent apprendront avec joie que l’Hadj Abdelkader est enfin rentré au bercail… – (pour quelques jours seulement) – !

 C’était en 1964 que ce jeune homme sauta sur l’occasion d’aller apprendre à faire le sport aux enfants  de  In Salah, la bénite.

Pourtant, il s’est vu fournir la possibilité de démarrer une vraie carrière dans la Jeunesse et des Sports dans une région aussi riche et fertile que la Gouraya dans la zone de la ville de Cherchell.

Il était parti,… rectificatif,  nous étions partis en colonie de vacance dans cette région si fertile au bord de la Méditerranée, et moi, je n’étais qu’un  colon.

En 1964, c’était l’époque où le Présidant Ben Bella de Lalla Marnia se faisait triturer le Pouvoir par un rien moins que le colonel Chaabani de Biskra, les Zibans.   

Les colons, dont je souviens bien étaient le regretté Parisien, un comédien magnifique, Rouan Messaoud, mon copain de classe, de Oua’ere, d’ Aissa 50, un parent de Aissa 100, membre encadreur de la Colonie. Il y avait aussi le magnifique joueur de football, Chettih Abderahmane.

Un beau matin, on nous a appris dans le restaurant du camp que Chaabani  avait pris Laghouat et les Colons turlupinants ne purent que chanter :« Djeich at Tahrir, ya saad li ouaslou, ash e Zaim Ben Bella ou refaq-tou ». « Bienheureux qui rejoint l’armée de libération, vive le Zaim Ben Bella et ses compagnons يا سعد لي واصلو  عاش الزعيم بن بلة ورفاكتو  جيش التحرير

Que faire ?

Chanter était considéré comme patriotique chez les jeunes…Mais, tout de même,  nous étions un peu inquiétés par les nouvelles de Laghouat…

Il s’en passa des péripéties.

Toutefois  la colonie finit bien, Mansouri « Tek touk », le fameux footballeur de Laghouat et encadreur de la colonie a trouvé son parti en une jolie fille du pays ne revint que paré d’une dame dont j’ai formé les enfants en foreurs à l’Institut Algérien du Pétrole de Hassi-Messaoud quelque 20 ans plus tard.

La colonie ne prit fin qu’après avoir fourni à Gouraya, une soirée dont les enfants, jeunes et vieux, se souviennent  très bien. Il y eu des sketchs, des devinettes, quelques malentendus, des chansons et surtout, surtout, des chansons accompagnés du « oud », du luth ineffable de cet athlète indicible Abdelkader Ben Farouge !

Farouge chanta une chanson qu’il composa lui-même sur Gouraya et ses heureux habitants, le refrain était :

ô qu’elle est jolie Gouraya au bord de la mer

                                   Comme une grappe de raisin pendant d’une branche.

                                   ô qu’elle est jolie Gouraya comme une fleure épanouie

                                   Par la bise du Tell et le souffle de la mer. »

Et la chanson sur le rythme de البيضة يا بنت الساحل  Beedha,ya  bent essahel, soulevait la foule des colons et des visiteurs d’enthousiasme, le tout accompagné du luth aux sons grandioses de l’artiste que Gouraya venait de découvrir : Abdelkader Bl Farouge.

Bl Farouge  était toujours accompagné de Kaddour Sonne, son compagnon de toujours, et à sa manière, Kaddour est un artiste hétérophile, en un mot, un culturiste.

Kaddour Sonne, faisant parti de l’organisation de la colonie, maniait les haltères, il voulait avec Kakachi Taher, le beau apollon de Laghouat égaliser les beaux apollons dont la presse sinon les rues étaient pleines.

Il y avait la natation ! Son sport favori. Un sport dont on croyait le Sahara dépourvu. Et Kaddoud fit merveille à Gouraya avec ses plongeons alambiqués. On n’a pas la mer, certes, c’est vrai, mais le « Bassan B Ragg », la « piscine du jardin de Ber Ragg, aurait bien des titres à clamer sous le rapport de la natation pour les enfants de Laghouat.

Les responsables de Gouraya, en particulier celui qui faisait office de Maire pensa  que des éléments comme Abelkader Bl Farouge et son grand ami nommément Kaddour feraient bien de s’installer à  Gouraya.  Il faut les gagner. Gouraya leur offre gît et couvert et pas seulement pendant les vacances et le farniente des étés, Gouraya se propose,  de les accueillir comme habitants et comme responsables de la petite ville, et  en 1964, il y avait tout, tout  à faire.

Qu’en pense-t-ils ?

Pourtant, Kaddour E Sonne et Abdelkader Bl Farouge ont décliné la proposition de s’installer en la Gouraya, celle de s’y marier et de prendre en charge les jeunes gens qui souffrent d’un manque de cadres  pour les diriger, telle était la proposition faite le Maire et par les responsables de la ville.

Kaddour, parce qu’il avait décidé d’entreprendre des études, en autodidacte, son regard fut pour Alger, tandis que Abdelkader, lui, humant les vents violents qui soufflent en novembre de Laghouat vers le Sud, prit son parti, il s’en alla enseigner le Sport aux enfants du Tidikelt, il alla à In Salah !

Pour Abdelkader, son destin était scellé.  Laghouat ne devient plus qu’une étape, et un lieu de villégiature, où Abdelkader Bl Farouge n’apparaissait  que de temps à autre. 

Il alla enseigner le Sport aux enfants de l’antique In Salah.

Quel destin que le sien !?

L’homme, cet heureux élu, jadis, le compagnon de l’incomparable  Laid Boussaid En Nas, archi connu à Laghouat pour son esprit brillant, de Ben Sarout, au recueil prodigieux des chants de Ben Keri-ou du Reymalek, le master de tant de nouba Andalouses, du fameux joueur de saxo, Allali « Baka », ou du fin maitre des sports Chettih Abderahmane, il essaya de tout oublier. Face à lui-même, il lui a fallu tourner la page de sa vie, le jour où le Tafilalet, le Touat  et In Salah l’ont réclamé !...

C’en était fait, mais Laghouat venait de lancer par delà les nues et le Désert qui gronde, une fleur de son giron  au Touat : Un maître en sport et un « Reymalek » en musique.

Et c’est en quelque sorte le répondant de Laghouat à la ville qui autrefois avait dépêché le Cheikh Sidi Hakoum, dont la Koubba se mire au bord de l’oued M’zi,  du blad de Sid El Hadjaissa.

 Et  donc, il prit son parti et prit fait et cause, non plus  pour les enfants de Gouraya mais pour ceux de l’antique Zaouiat Sidi Moussa au pays de Sidi Mohamed Belkebir.

Son devoir était, à strictement parler, qu’il leur apprît le sport… !

Ce qu’il fit !

Mais en plus, il forgea, le temps aidant, sur les cinquante années de séjour, chez les jeunes gens d’In Salah, l’amour… du luth!

Eh oui, le luth, son instrument favori.

Qui sait, si Alla, le fameux musicien du luth du Tidikelt, ne fut pas l’un de ses élèves ?

Imaginez –vous, pendant plus de cinquante ans, sa ville natale, Laghouat, ne devint pour cet homme que l’instrument où se ressourcer pour affronter la tâche énorme qui désormais devait être la sienne – apporter en In Salah, le nec plus ultra en fait de Sport et de Culture.

 Il apporta la Culture musicale à l’ensemble du Touat, il apporta le Sport, il apporta le surcroît et la joie de vivre d’un jeune Laghouati, né  dans les années quarante, du siècle dernier.

Je l’appelle Abdelkader «  l’élu »,  car, il y a une autre dimension, j’en suis convaincu,  à prendre en compte quand on parle du DESERT, et nul doute que les Maitres Mystérieux des Zwi (pluriel de Zaouia), ont corroboré la venue de ce jeune Laghouati chez eux. 

Je voudrais livrer au lecteur cette histoire racontée par  Lamri Tahar ben Zouba il était accompagné du servant de la Koubba de Sid El Hadjaissa. Ils se sont arrêtés à Adrar avec l’idée de visiter le Cheikh Sidi Belkebir. Ils se sont mis en file parmi les visiteurs, ils attendaient leur tour patiemment quand tout à coup le « hajeb », le majordome, de Sidi Belkebir, demanda à haute voix  que l’homme de Laghouat et  l’homme de Djelfa se démarquent de la file des pèlerins et de daigner  visiter le Cheikh, séance tenante !!!?.

Surpris, car il n’avait donné son nom à personne, Tahar ben Zouba ni son compagnon de Djelfa,… ils s’en furent en la présence du Cheikh.

S’adressant d’abord à El Hadj Lamri Tahar ben Zouba, il lui conseilla de compter sur Dieu pour le tout le travail que par contrat, il était censé faire à Tamanrasset, puis se tournant vers son compagnon, il lui enjoint de regagner Laghouat de reprendre les clefs de la Koubba de Sid El Hadjaissa, et d’ouvrir les vendredis ses portes aux visiteurs… (!).      

Il y avait à Laghouat un ami, un garçon aux yeux bleus, Aissa  Mébarki qui s’était lié d’amitié avec le regretté chirurgien péruvien  Haimé. Il ne se passait de semaine qu’il n’ait avec Haimé ses trois ou quatre matchs de tennis au stade municipal de Laghouat. Lorsque, Haimé, son copain avait vécu,( que Dieu l’ait parmi les bienheureux) il tourna son regard vers le Tidikelt, vers Adrar et il s’y installa là-bas.

Je n’ai pas rencontré une seule fois Aissa sans qu’il ne me cite la beauté d’Adrar, son calme, sa paix et sa tranquillité.

  • « Ça ressemble, tu sais, au Laghouat d’autre fois ! ».   

 Ya hahi ! Cela clôt le débat.

Je me souviens de mon ami Messaoud Bouhouia. Il avait travaillé et In Salah en tant qu’enseignant dans les années les années 70. Il s’était  lié d’amitié  avec le frère de Sadok, le fils du Fecian, le grand moujahed. Et quand il pouvait en dehors des heures de  classe, il accompagnait le frère de Sadok sur les beaux destriers que le Bachagha de In Salah, a mis à leurs dispositions. Il connaissait, j’en sûr Abdelkader Bl Farouge bien qu’attirait lui-même par le noble sport des spahis plutôt que vers pour la musique aux refrains marocains, la spécialité de Abdelkader Bl Farouge.

Bl Farouge est revenu, je l’ai rencontré ce mois-ci en la Zaouia de l’hadj Chéfa,  Il était surpris que les jardins luxuriants de son enfance ont disparu. Il nous a présentés deux de ses rejetons et son « chauffeur », avec le mot pour rire, il s’agissait de son demi-frère qui n’a jamais songé à habiter quartier plus chic que Sgag Et Taga. Il était au volant de sa voiture noire toujours prêt à emmener Abdelkader où il veut.

D’après Taouti Miloudi – qui insiste pour présenter son meilleur souvenir à Abdelkader - l’un des enfants d’Abdelkader Bl Farouge faisait du beau travail en l’aéroport de Tamanrasset et quand à l’autre, il était, je crois docteur.

.           Toujours est-il que l’un des fils était un merveilleux violoniste, nous dit Taouti Miloudi,  je l’ai rencontré lors du festival de Tamanrasset, son apère est un vrai artiste. Je voudrais bien qu’il sache que ma chanson dont il a, lui, Abdelkader arrangé les accords et le rythme, est sur U-Tube. « farhek ya lemaim» , يا الميمة chantée par moi. »

Comment évoquer In Salah sans évoquer les chauffeurs de la SATT qui peinent un mois durant pour y arriver.

Je me souviens de  ma première visite à In Salah, j’avais 19 ans et je commandais le Willehm de la SATT. Arrivé en la place où Aicha Mossa, accueillait les camions, j’étais surpris par Ben Azzouz Sehairi :

  • ô, Ben A saoula, s’écria-t-il, comment tu es arrivé au pays des ogres et des péripéties ?  يا بن صولة واش جابك لبلاد لقوال و لهوال Imagine qu’il m’a fallu  plus de 10 jours pour trouver une taverne dans ce coin perdu…
  • Et qu’est ce que tu veux, les camions, la SATT ; et vous, comment êtes- vous débarqué ici ?
  • Ma fille, El Hora a épousé un sergent et j’ai été obligé de la suivre.

Je l’invitais à dîner à la station de la SATT, j’avais payé Aichamossa pour qu’elle fasse les préparatifs et vraiment c’était un vrai bonheur. J’avais raconté cette rencontre à mon frère le Alem El Bassair et un jour qu’il était avec ses pairs les Oulama - les savants es sciences religieuse- avec      El Hadj Tiriré ne voila-t-il pas Benazzouz qui les aborde près du magasin Pigean, en face du Musée Oriental de Bouameur, mon frère ne pu s’en empêcher de sourire. Si E Tiriri insista pour que mon frère l’alm leur parla de  ce «  blad l’akwal ou lahwal » لبلاد لقوال و لهوال. Ils finirent par sourire, eux, les Oulama de la bonne ville de jadis, Laghouat.

C’était  en 1955, je crois me souvenir.

Au cours d’une rapide visite à Laghouat, Abdelkader Bl Farougese se rendit au nouveau quartier des Oasis Nord où Kaddour Sonne s’est bâti une maison digne d’être le lieu de repos d’un homme comme lui. Elle brille, calmement et sûrement d’être logement d’un homme qui a toujours su s’accommoder de la vie, de ce qu’elle offre de mieux !

Abdelkader eut le mot de la fin, il dit, j’ai vu tous mes copains d’antan, tu veux que je te dise, tu es le seul qui est resté égal à toi-même ; la vie, hélas, a bouffé les autres.

C’est le mot et l’appréciation d’un maître Soufi.

 

N .Cotte

Publié dans N.COTTE

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D
... du Grand Laghouat !!
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D
Laghouat qui séduit encore ... Laghouat qui séduit toujours... mais cette fois-ci, et quelques petites dizaines d'années plus tard, " بنت الساحل Bent Essahel" est du village voisin, le Gand Rival de Gouraya. Quelques virages à peiiiines ... Ah Jalousie... Ah Séduction quand tu nous tient!! lol<br /> Bent Essahel, une grande lectrice de Laghouat!!
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