LA REVANCHE DU GOUMIER 4ème et DERNIÈRE PARTIE- PAR K.HADJOUDJA

Publié le par LAGHOUATI

 

LA REVANCHE  DU  GOUMIER   

 4ème et DERNIÈRE PARTIE.

 

Un de nos camarades, qui était voisin avec B.S., nous renseigna sur l’identité de l’agresseur masqué.

Il s’agissait du père de B.S., supplétif de l’armée française, sous-officier dans les GOUMS.

Celui-ci, persuadé que son fils a été victime d’une injustice délibérée, et de surcroit imméritée, a finalement décidé, dans le courant de l’après-midi, de mener une opération de représailles (plutôt musclée) contre le coupable.

Quelques temps après, une voiture de marque PEUGEOT 203, de la police, reconnaissable à sa couleur noire, s’arrêta devant l’entrée de l’école. Deux policiers en tenue en descendirent et se dirigèrent vers le bureau du directeur. Au bout d’une vingtaine de minutes environ, ils en ressortirent en compagnie de celui-ci. L’un d’eux, tout en parlant, levait par intermittences ses bras en signe d’impuissance.

Nous contemplions toute cette animation de l’intérieur de la classe, à travers les carreaux des fenêtres. Après les avoir raccompagnés jusqu’au portail ; il bifurqua droit sur notre salle.

Nous nous précipitions vers nos pupitres et croisions les bras, dans un silence religieux. Quand il entra, on sentait qu’il n’était nullement dupe de la béatitude qui régnait.

Il nous déclara : « bon, voilà ! Votre maitre sera absent cet après-midi ! Vous pouvez donc rentrer chez vous ! » Quelqu’un demanda : « et demain, monsieur, est ce qu’on vient ? » «  EUH ! Oui, il faut venir voir ! » 

Naturellement, pendant plusieurs jours, la rue du Schettet fit ses choux gras de cette affaire insolite !

MR.G. s’absenta trois jours consécutifs. Il réapparait le quatrième jour, arborant une mine lugubre, avec une écharpe au bras gauche, un pansement au-dessus de l’arcade sourcilière, un autre sur le menton. Quelques ecchymoses étaient encore visibles sur son visage et son cou. Il boitait légèrement.

Quand il pénétra dans la classe, un silence sépulcral régnait. Sans dire un mot, il jeta sa grande serviette sur le bureau, et se mit à nous dévisager d’un air rébarbatif. Subitement, il émet un beuglement assourdissant qui nous fit tous sursauter.

« Prenez vos affaires, au lieu de bailler aux corneilles ! Qu’attendez-vous ? »

Nous préparâmes fébrilement cahier, ardoise, plume, craie, en prévision de la leçon qui allait commencer. Dépités, nous venions de réaliser que la « leçon » ne lui a pas servi.

Tel était notre lot quotidien ; violence, brutalité, et cruauté justifiées par une prétendue « idéologie éducative »dans la classe de cet instituteur brutal, nous étions si terrifiés à l’idée de mal faire et d’être tabassés, que cela rendait tout apprentissage quasiment impossible ! Nous ne nous intéressions plus à rien. Il avait inhibé toutes nos capacités et tué en nous tout désir d’apprendre.

Deux jours après cet incident, alors que nous étions a table en train de déjeuner ; le menu du jour était du «  rfiss » avec du « chnine » ; mon père chopa le broc du breuvage sus cité, et le siffla d’un trait en ponctuant d’un rot magistral. Ma mère s’empressa de le remplir de nouveau.

Toujours sans sourire, il nous dit : « je me demande d’où vient cet «  air » qui me remplit l’estomac ? », et nous le prouva une seconde fois. Puis se tournant vers moi, il poursuivit : «  d’ après la rumeur publique, il parait qu’il y a eu une « vendetta » dans votre école avant-hier ! »

« C’est notre maitre, disais-je, qui a eu la malencontreuse idée de se frotter à un fils de goumier. La riposte a été rapide et brutale. Il a failli être estropié ! » «   Quel  sot ! répliqua-t-il, avec une moue de dépit. Maintenant il sait à quoi ressemblent ces « animaux ». Et puis, en fin de compte, c’est pour le bien de son fils ! Non ? » conclu-t-il d’un air désapprobateur.

Notre compagnon B.S., sérieusement malade, s’absenta durant huit jours. Quand il retourna parmi nous, l’instituteur lui ordonna de changer de place, et le relégua, en solitaire, à la dernière table.

A partir de cet instant, B.S. n’existât plus pour lui. Lui-même s’abstint dorénavant de nous frapper ; mais son naturel était revenu au galop ; s’agissant de tempêter pour un rien, d’humilier gratuitement, ou d’afficher un réel mépris pour quelqu’un.

En vérité, son sentiment de persécution lui donnait l’impression que nous n’étions que des gueux, vêtus de guenilles, qui, impuissants à lui déclarer la guerre, avions organisés une perpétuelle guérilla contre lui.

Bon gré, mal gré, MR. G. acheva l’année scolaire en ne manquant aucune occasion pour pester contre le jour où il avait accepté de venir à LAGHOUAT ; et surtout de n’avoir pas su éviter de tomber dans « la fosse aux lions » qu’était, selon lui, l’école du schettet.

Les vacances d’été (appelées jadis GRANDES VACANCES), débutaient le 15 juin. MR. G. regagna définitivement son pays, la France, vers le 20 juin ; sans esquisser le moindre signe d’au revoir ou d’adieu à notre intention.

B.S. abandonna son cursus scolaire en classe de C.M.2 ; et commença très tôt a travailler comme apprenti coiffeur, puis s’installa à son propre compte. Il décéda au cours de la décennie 1970(Allah yarhamou).

Pour ma part, je terminerai cette triste histoire, par dédier à mes anciens camarades de classe, disparus ou encore en vie ces deux citations :

L’une de DENIS SAINT PIERRE : «  SAVOIR PARDONNER, C’EST SE RAPPELER QUE NOS SEMBLABLES SONT IMPARFAITS ET COMMETTENT PARFOIS DES ERREURS, TOUT COMME NOUS ! »

L’autre de JEAN CAYROL : « ADIEU POETE ! IL FAUT QUE LES MOTS ENTERRENT LES MOTS ».                                                 

 FIN.

 

  

 

REMERCIEMENTS

MERCI, encore et toujours et pour toujours à MESSIEURS EL HADJ MOHAMED et à M.S.L pour leur lecture attentive et souvent attentionnée de mes modestes récits, ainsi que pour leurs encouragements bienveillants.

Un IMMENSE, IMMENSE MERCI à tous les autres amis lecteurs qui font des simples récits de BELLES HISTOIRES.                                                                                                                            BIEN CORDIALEMENT                                                                                                                              K.HADJOUDJA.                          

             

DÉDICACE

 

En priant SI EL HADJ MOHAMED de bien vouloir, si possible, l’insérer parmi cet appoint ; je dédie a tous nos amis du BLOG, la célèbre chanson des PINK FLOYD (1979) intitulée : ANOTHER BRICK IN THE WALL(HQ) figurant sur YOUTUBE ; qui traduit si bien l’atmosphère implacable, brutale et sinistre qui régnait dans les écoles anglaises durant la première moitié du 20eme siècle ; et qui présente certaines similitudes avec les nôtres pendant la colonisation.                        

 

 

 

 

Publié dans K.HADJOUDJA

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L
La lecture de votre récit autant que celle offerte par "le pont", était, tel un r'fiss relevé de piment fort, un véritable délice où l'amertume est aussitôt supplantée par l'ardeur de vaincre la soumission à toutes les adversités, celle de la terreur morale avant celle de l'inanition des corps. Merci de nous avoir offert ce voyage plein d'enseignement dans un passé triste mais digne.
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D
. . . savoureusement, vos récits ces Belles histoires !!<br /> <br /> La fille du rivage bleu.<br /> <br /> Je suis la fille du rivage,<br /> Dans des rêves francs je nage.<br /> <br /> Mes bateaux en voilages, <br /> Dansent dans les airs et voyagent.<br /> <br /> J' écris ces messages, <br /> A l'encre bleue de leurs sillages.<br /> <br /> Dans un joli coquillage,<br /> Le Vent, pour moi s’en charge<br /> <br /> Et en Capitaine sage,<br /> Sifflotte chaque fois mes hommages.<br /> <br /> Amicalement.<br /> <br /> Les félicitations ne sont jamais de trop!!
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S
Sublime.
L
Nous attendons vos contributions , vous nous en avez données un avant-gout il y a bien longtemps...