Pourtant Nous y avions cru ….
Je me souviens ….
Ce matin en allant rendre visite à ma mère comme tous les matins et à seulement quelques pas du seuil de la maison, je rencontre, oh surprise !, quelqu’un que j’ai perdu de vue il y a fort longtemps. Il descendait en vélo la rue « petite seguia » (seul le nom est resté mais point de seguia) et se dirigeait vers la ville. Je le reconnus de loin, il n’avait pas beaucoup changé, il allait passer sans s’arrêter car il ne m’avait pas reconnu. Comment pourrait-il me reconnaitre après une aussi longue période, j’avais 16 ans environ lorsqu’on s’était connus, j’avais alorstout juste un peu de duvet sur le visage. Notre ami se trouvait maintenant en face d’un vieux monsieur à la barbe blanche qui l’appelait par son prénom. Ce n’est qu’en s’approchant de moi de plus près et après m’avoir longtemps dévisagé qu’il me reconnut enfin. Il se jeta sur moi pour m’étreindre fortement, il était au bord des larmes tant l’émotion était grande.
Comment ne pas être ému aussi fortement au souvenir de cette année 1963 où on s’était connus dans des circonstances exceptionnelles ?
J’avais 16 ans et suivais les cours de seconde lettres au lycée de Boufarik. Nous étions en vacances scolaires, c’était l’été. L’état Algérien naissant avait sollicité les étudiants et les lycéens pour participer à une campagne d’alphabétisation des adultes, la première de l’après indépendance. Nous nous étions mobilisés par dizaines pour cette vaste campagne qui nous donnait un sentiment de fierté et d’importance aux yeux de nos parents. Nous nous sentions adultes à cet âge précoce.
On me confia une classe dont faisait partie notre ami qui devait avoir une trentaine d’années. La campagne dura pendant tout l’été et les premiers résultats furent très encourageants, la volonté de bien faire était là, les gens croyaient en leur pays fraichement libre. Notre ami était le meilleur élève de la classe et au bout de quelques semaines les plus studieux des élèves commençaient à lire le journal. C’était fantastique !
Notre ami me le rappelait encore ce matin « c’est grâce à vous que j’ai pu vaincre l’analphabétisme «
-oui, peut-être mais c’est surtout grâce à votre grand courage et votre volonté inébranlable que vous avez pu y arriver, lui-répondis-je
Des moments inoubliables des premières années d’indépendance du pays, nous étions jeunes, plein de merveilleux rêves pour nous et pour notre pays. Mais ce qui s’est passé par la suite a vite fait de nous déchanter.
Nous y avions pourtant cru pendant un certain moment !