Ce matin là !- par Ahmed Benmessaoud-

Publié le par LAGHOUATI

    Ce matin là !

    Ce matin là, avant d’ouvrir mon micro et tremper complètement dans cette histoire très émouvante, offerte par Si El Hadj Mohamed Ben Cherif,  rapportée dans ce site merveilleux, j’avais fait juste après la prière ma randonnée de retraité. Celle là n’était pas comme les autres.

    Je me suis réveillé, de mon demi-sommeil, bien avant l’adhan du « soubh », car j’attendais. Mon épouse était là, bien malade, alitée, étendue depuis, déjà deux mois sur un matelas à air. Je la veillais en alterné avec ma fille. La porte de la rue s’ouvrit. C’était, mon autre fille, son mari, ses quatre gosses, émigrés, qui venaient faire un au revoir à la mère qui lutte contre la maladie. Le départ, aussi bien que la souffrance d’un malade étaient pénibles. La mère, courageuse,  contenait le tréfonds de son cœur pour ne pas pleurer et lança des mots d’espoir, de tranquillité à l’adresse de sa fille, en la conseillant de se bien porter et de veiller à son mari et ses enfants. Les quatre enfants, trois filles (dont une dernière, un bébé) et un garçon se sont positionnés dans la spacieuse malle de la KIA. Un  cinquième garçon, le petit fils, était là. Avec son père, il les accompagnait jusqu’à l’aéroport. Au moment de la bise, je lui lançai  en riant « Non, pas toi, tu sens le dinar et je préfère l’euro », en embrassant tendrement les fillettes. L’une d’elle, à ma question, qu’il faut rester avec nous, elle me répondit candidement en français : « Non, ici, il n’y a pas de crèche, il n’y a pas d’école, il n’y a pas de travail, on ne travaille pas ! ». J’ai sangloté deux fois, pour leur départ et pour cette vérité clamée par l’innocence.

                La voiture partie, mon épouse contrairement à la tradition, n’a pas versé de l’eau, après-eux. Vous avez deviné pourquoi. Ce jour là, je fIs la prière chez moi.

    Ruminant les enseignements et le choc matinal de la séparation avec des êtres chers, j’entrepris, sous un fraiche brise nocturne ma marche ordinaire, plutôt inhabituelle, absorbée par l’inquiétude et l’amertume d’un départ et une maladie imposés par la destinée.

    Je me suis dirigé vers les hauteurs de la ville endormie, vers le monticule « Zegrarim » ou rocher des chiens, où s’érige la poste optique, le poste de surveillance colonial, qui brasse le Nord-Ouest et le Sud-est de l’Oasis. L’idée me vient de monter le monticule dans sa partie sud-est, juste au dessous du poste optique, malgré que j’aie peur d’écorcher mes mains ou de glisser, car portant des souliers inappropriés. Au summum de mon escalade, je découvre la partie sud de l’Oasis, la vue de « Ksar el Farrouj », perché sur le flan et un pan de la « daïa ». A défaut de glisser ou d’écorcher mes mains, la désolante vision d’une palmeraie disparue et le vide d’une zone autrefois économique me heurtèrent et serrèrent le cœur. L’activité débordante des années 80 laisse place maintenant à des carrés de parcs vides, plutôt parsemés de carcasses d’engins, de camions et autres, des squelettes de ferrailles abandonnés, attestant du passage d’une période laborieuse à une période , non pas seulement sécessionniste, mais plate et morte, inerte. Des gardiens, se comptant sur les bouts de doigts, chanceux d’être utiles, pour je ne sais quoi, s’étiraient devant des baraques vides et  en ruines. A défaut de noircir la matrice industrielle, la politique économique a dévié et s’est vidée de sa substance économique pour faire du pays un débouché nourricier pour l’extérieur, réduisant à néant la tentative de toute velléité de développement et d’émancipation.

    A défaut de détecter une  quelconque activité, à part le marché hebdomadaire que ses hôtes, vendeurs et acheteurs ont peuplé le Vendredi, mon regard  et ma pensée se portèrent vers l’immensité que m’offrait  l’horizon. Et,  je découvris, encore une fois l’horreur du vide, la disparition de la palmeraie, la couleur du sol jauni et stérile.

    Ne supportant pas ma honte de vivre des moments intensément tristes de cette journée qui s’annonce, je descendis du monticule, parsemé de pierrailles et de des sacs synthétiques déchirés, venus d’un peu partout, emportés par les vents et amoncelés ici et là , pour ajouter au décor flétri. Je repris le chemin du retour, tête baissée, seulement dérangé par le bruit d’un moteur d’une Renault symbole, la voiture de la mort, importé à devise forte et le brouhaha d’un véhicule « un camion chinois qui voudrait ou jouer à l’être » . Ce dérangement réveilla ma souvenance d’un mirage « la Mina quatre » mort née  et du cireur que l’on voulait éradiquer et remplacer, maintenant par les « hitistes », de « harragas »  et de continuels protestataires désabusés.

                Je rejoins la chaussée trempée et aspergée par les camions de la commune, sans doute, pour permettre de donner l’illusion d’une ville propre, malgré, que les experts en asphalte, estiment que ce genre d’arrosage contribue à la naissance de nids de poules et sa déformation. Cette pratique permet, néanmoins de tempérer l’air ambiant et d’atténuer les odeurs indésirables, au niveau des artères principales huppées.

    Retournant à la maison je me consolais en prenant trois verres d’eaux citronnés sans sucre. A défaut de remonter, mon moral, j’évite, éventuellement à mon corps la formation dans mes reins et ma vessie, la formation de lithiases calciques, ces reins, qui hélas, font mal et martyrisent depuis des années mon épouse et tant d’autres qui restent, rattachés pour leur survie à une machine et au transport médicalisé.

    Merci, en ce début de journée à Si Laghouati et à Mohamed Bencherif pour ce baume de la solidarité et de l’espoir devant tant d’épreuves difficiles.

    AHMED BENMESSAOUD

Mes amitiés les plus sincères si Ahmed, à vous et à votre grande famille avec tous mes souhaits de prompt rétablissement à votre campagne , Amine.
je suis heureux de vous dire que tout ce que je reçois provenant de vous mérite plus que l'espace réservé aux commentaires mais bien la première page du blog pour etre lu par le maximum de lecteurs compte tenu de la valeur littéraire du texte  à propos duquel je vous félicite.

Publié dans Ahmed Benmessaoud

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B
<br /> Quel sublime texte qui me fait rappeler du style du défunt mon père allah yarehmo ,quelle émouvante histoire. Prompt rétablissement  à votre conjoint  ربي يشفيها إن شاء الله  <br />
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D
<br /> si ahmed je vous souhaite du courage et une grande patience car vous on avez besoin ; n'oubli surtout pas de vous référez à allah, bon rétablissement à votre femme.<br />
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M
<br /> un récit encore plus poignant que celui narré par notre frère Bencherif. Puisse Dieu vous aider et aider votre conjoint à supporter vos dures épreuves . Amine<br />
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