Oh, Objets inanimés avez-vous donc une ame ?
L’autre jour, en cherchant quelque chose dans mes affaires, je fus surpris de découvrir une serviette de table qui n’appartenait pas au service de table que nous avions.
Que fait cette serviette au milieu de toutes les autres : elle était très jolie et se distinguait par une fort jolie couleur qui lui conférait cette distinction de suite remarquable.
- A qui peut appartenir cette serviette ? Me suis-je dis.
- Certainement à des voisins qui ont dû certainement l’oublier
- Mais cette serviette m’intrigue au plus haut point, elle a, je ne sais quoi de mystérieux et d’étrange, pourquoi ne ressemble-t-elle pas aux autres ?
Je dois percer ce mystère et savoir d’où vient cette serviette et pourquoi est-elle là ?
Ce n’est pas dans mes habitudes de fouiner dans ce qui ne me regarde pas mais cette fois-ci , je sentais un besoin indéfinissable de tout savoir sur cette intruse.
Les questions que je me posais sont : depuis quand est-elle là ? A qui appartient-elle ? Depuis combien de temps est-elle là ? et pourquoi est-elle là ?
Qui me donnera une réponse à toutes ces questions, j’étais persuadé que personne dans la maison n’avait de réponse à mes questions mais je me hasardai à les poser quand-même. Et je n’eus pour seule réponse celle-ci : On ne sait pas, elle a été toujours là.
Je pris la serviette dans les mains et me mis à l’examiner minutieusement et voilà que je vois presque invisible des chiffres cousus à la main. Et soudain ma mémoire entre en action et me transporte un demi-siècle en arrière, exactement en 1959 l’année où j’ai réussi à mon examen de 6ème et que je m’apprêtais à rejoindre le lycée franco-musulman d’El-Biar (c’est comme ça qu’on l’appelait). La serviette faisait partie du trousseau d’internat que mon père acheta à hadj Bachir Dehina . Une grande émotion me prit les entrailles et j’éprouvai une étrange sensation de bonheur à la pensée des merveilleuses années de lycée ; des années inoubliables, faites de privations et d’amertumes mais également de joie, de solidarité et d’amitié qui ne se démentiront jamais.
De passage chez si Hadj Bachir Dehina, je ne manquai pas de lui faire part de ma trouvaille et hadj Bachir de me répondre, apparemment pas surpris du tout,: « Oui, c’était la bonne qualité , pas comme de nos jours où il y a plein de produits « taiwan ».Mais j’ai mieux que ça »
Il pénétra dans son arrière-boutique un court instant et revint avec un grand registre dans les mains.
Je pris le registre des mains de hadj Bachir, il était comme neuf. Vraiment inouï ! le registre date de 1910 et a appartenu à son père ; il a un siècle d'age.
« Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et notre force d’aimer » avait dit Lamartine et que nous répétait souvent notre regretté si hadj H’mida Kada.
La serviette et le registre peuvent paraitre comme de simples objets mais pour Hadj Bachir et pour moi-même ces objets ont des âmes qui leur font occuper des places privilégiées dans nos cœurs car évoquant pour nous des moments d’intense émotion de notre vie passée et en nous rappelant des personnes qui ont compté très fort dans notre éducation et notre formation.
Bénis soient ces personnes ,Bénis soient ces moments , Bénis soient ces objets !