SI EL HADJ ABDELKADER DADA CHEVALIER DU DÉSERT HOMMAGE POSTHUME 4 EME PARTIE

Publié le par LAGHOUATI

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SI EL HADJ ABDELKADER DADA

  CHEVALIER DU DÉSERT

  HOMMAGE  POSTHUME    4 EME PARTIE

 

 

« Quand nous arrivâmes à l’endroit nous trouvâmes notre collègue livide  avec des yeux hagards, en train de serrer fortement son mollet avec ses deux mains jointes.

  • «  Que t’est-il arrivé ? » ; questionna notre « chef » SI HADJ TAHAR.
  • «  J’ai été mordu par un serpent !! », bégaya-t-il d’une voix presque inaudible. Notre « boss » devint blême à son tour. Une mine d’enterrement s’afficha aussitôt sur tous les visages ; accablés par ce mauvais coup du sort…
  • « Tu l’as vu ? ».
  • «  Non ! il a réussi à s’enfuir sous les rochers ! ».
  • « Sors de là, vite ! Éloigne-toi de ces rochers ! Apportez moi une couverture vous autres et de l’eau ! Grouillez-vous ! », Puis à l’adresse du blessé : « Allonges-toi sur cette couverture. Il faut que tu bouges le moins possible. Surtout calme-toi !! ».

La couverture fut utilisée comme une civière pour le transporter jusqu’au camp. Un garrot lui fut placé au moyen d’un « cheich » au niveau de la cuisse. SI EL HADJ TAHAR, éclairé par une lampe de poche à pile, tenue par SI BRAHIM lava soigneusement l’endroit de la morsure ; puis lui donna à boire…Se retournant brusquement vers nous il dit : « Mais où est BOUBACAR le guide ? Dites-lui de venir vite ! ».

Celui-ci indifférent au remue-ménage autour de lui, continuait à déguster tranquillement son thé, allongé sur le sable en fumant des cigarettes « soufi ». J’accourus auprès de lui et lui expliquait, en quelques mots de quoi il s’agissait. Il termina son verre et se leva lourdement de sa place, en prenant soin de se doter de son poignard et d’une musette contenant des herbes médicinales…

Il se dirigea d’un pas résolu vers notre campement… C’était la première fois de toute ma carrière ou je me trouve dans une situation aussi désespérée, dans laquelle un des nôtres allait probablement mourir sans que je puisse faire quoi que ce soit pour le sauver !! Nos cerveaux étaient comme paralysés. Nous ne pûmes réfléchir, ni proposer une quelconque solution d’être à même de sauver la vie de notre ami !!

Nous savions tous que la vie de notre collègue va se jouer dans les deux heures qui suivent…Le plus proche centre de secours se trouvait à 150 kilomètres au nord (IN GUEZZAM) ; et 140 kilomètres au sud (ARLIT).

ABDENNACER dit NACER, l’autre chauffeur d’EL GOLEA essuyait ses larmes en cachette avec le bout de son « cheich ». En vérité, nous avions tous les larmes aux yeux. Nous assistions, la tête baissée, abattus et impuissants face à ce destin implacable dans ces lieux de cauchemar.

Tandis que BOUBACAR examinait la morsure et tentait dans un ultime effort de sauver notre ami ; nous, on se concertait pour déceler un moyen rapide d’évacuation vers le centre de soins le plus proche. Hélas, au bout du compte, nous avons dû nous rendre à l’évidence de notre total dénuement face à ce terrible drame ! Ce qu’il nous fallait c’était un avion !

NACER, livide, en pleurs, sous l’effet d’un stress aigu, s’approcha du guide Targui et lui suggéra d’évacuer le blessé sur un des camions, en utilisant une autre piste plus courte, dont il a entendu parler qui passe quelque part à proximité, utilisée par les bandits et les contrebandiers…Celui-ci fronça les sourcils et rétorqua :

-« C’est absurde, il décédera avant d’arriver à destination ! D’ailleurs il n’y’a pas d’autre piste hormis celle-ci ! ».

-«  Pourtant on m’a affirmé que……… », Insista l’autre.

-«  Je te répète qu’il n’existe pas d’autre piste ! L’interrompit BOUBACAR d’un ton méchant ; maintenant vas-t-en, laisses moi terminer ce que j’ai à faire !! ».

Anticipant sur les événements, SI EL HADJ TAHAR, rouge de colère, le tira discrètement par la manche de son veston, l’entraina à bonne distance du groupe, et commença à lui refiler un bon savon. Les mots qu’il employât étaient rarement « parfumés »…

Les yeux exorbités, il lui rugit à la figure :

-«  Toi tu prétends montrer à un Targui le chemin qu’il doit prendre ! Mais tu es malade ma parole ! Même un Targui ne peut montrer son chemin à un autre Targui ! Il va considérer cela comme une grave offense ! Tu sais ce qu’il va faire dans un cas pareil ? A la première occasion qui se présentera, il va simplement prendre la poudre d’escampette et nous laisser choir ! Je peux te garantir que quand il le décidera, il ne nous chantera pas un au-revoir mes frères ; il le fera à notre insu sans qu’on s’en rende compte !! Lui, il peut aisément s’en tirer, parce qu’il connait le désert comme sa poche ! Et Nous ? Qu’est ce qu’on va devenir sans guide ? Hein ? Réponds-moi ! Eh bien je vais te le dire : C’est la mort assurée pour nous tous !! Personne ne viendra nous secourir dans ce néant. Sans BOUBACAR dans cet abîme, nous sommes condamnés !! Tu saisis ? Ces gens-là vivent une vie impitoyablement rude, ils sont eux-mêmes sans indulgence pour qui manque de patience, de bonne humeur, de générosité, de loyauté ou de courage. ILS N’ACCORDENT AUCUNE CIRCONSTANCE  ATTÉNUANTE  AUX  ÉTRANGERS. Celui qui prétend partager leur vie doit accepter leurs principes  et  se conformer à leurs lois !! ».

Fortement secoué par la réprimande qu’il venait d’essuyer ; celui-ci balbutia : « Oui, Oui, je ne savais pas. Excusez-moi SI EL HADJ. Qu’est-ce que je dois faire maintenant ? ».

-« Nous savons que tu es encore novice dans ce métier, néanmoins tu dois essayer de réparer l’énorme bévue que tu viens de commettre. Tu vas la rattraper en t’excusant auprès de lui en ton nom personnel ; tandis que moi, je vais le faire au nom de toute l’équipe ! Ne t’avise pas de recommencer. La prochaine fois, quand tu veux parler, réfléchis bien à ce que tu vas dire, sinon FERMES-LA ! Ça t’évitera pas mal de problèmes !! Maintenant suis-moi, on va le voir ! ».

Quand ils arrivèrent à sa hauteur, celui-ci avait  déjà  pratiqué  une incision avec son poignard sur la plaie et était en train de tenter d’extraire le venin en aspirant avec sa bouche, pour le recracher aussitôt…

Au terme de 2 ou 3 tentatives BOUBACAR s’arrêta perplexe…Nous le vîmes prélever avec l’extrémité de l’index un peu de sa salive qu’il flaira longuement  à  trois  reprises. Il scruta attentivement la morsure ; puis demanda à l’adresse de notre collègue :

-«  Comment te sens-tu ? Tu as des vertiges ? Tu as chaud ? Soif ? est- ce que ta jambe fourmille ? Est-ce que tu constates qu’elle devient de plus en plus froide ? ».

-« Non, répondit celui-ci, rien de tout cela. Je me sens bien, à part la blessure qui me fait un peu souffrir… ».

Il se tourna vers SI BRAHIM qui l’éclairait avec sa lampe de poche de couleur bleue et qui fonctionnait avec une pile « Wonder ».

-« Passes-moi ta lampe ! Orientez  un des camions sur les rochers et allumez ses phares ! » ; Il dégaina son TAKOUBA (épée touareg) et se dirigea d’un pas ferme vers l’endroit maudit. Nous nous regardâmes abasourdis. Tout ce manège nous intriguait au plus haut point. Nous vîmes au loin le faisceau de la lampe balayer le rocher fatal de tous côtés. Cela dura une bonne dizaine de minutes ; ensuite nous le revîmes rebrousser chemin lento, en tenant dans sa main gauche une tige séchée d’un buisson épineux. Ce rameau présentait d’énormes épines noires, recourbées et très pointues.

Nous retenions notre souffle, ne comprenant rien à ce manège, épiant anxieusement ses moindres jeux de physionomie ; cherchant à lire sur son visage. Quand il arriva près de nous, il se fendit en un large sourire et déclara :

-«  Votre ami n’a pas été mordu par un serpent, il a simplement été piqué par ces épines qu’il n’a pas pu voir dans l’obscurité ! ».

TOUS nous nous prosternâmes  devant  ALLAH LE TRÈS HAUT en guise de remerciement…

Notre collègue, lui, allongé sur la couverture de survie, à même le sol, sanglotait de joie. Nous ne cessions de le congratuler, lui montrant par là qu’on prenait part à son bonheur.

ET DIRE QUE JE M’IMAGINAIS EN TRAIN DE CREUSER SA TOMBE SOUS UN ACACIA !!

BOUBACAR, immobile et fermé, attendait patiemment la fin de cette manifestation heureuse pour intervenir : 

-« Maintenant permettez-moi de lui appliquer un pansement pour éviter la « pourriture » (l’infection) ».

SI EL HADJ TAHAR lui suggéra d’utiliser la boite de secours dont chaque camion était pourvue. Le guide balaya d’un revers de main cette proposition en déclarant : 

-«  Ici, mes plantes sont les plus efficaces ! ». Notre « Chef » n’insista pas. Il s’assit auprès du blessé, ôta de son ceinturon une petite bourse en cuir dans laquelle il y’avait une poudre verdâtre.

-« Il y’a dans ce petit sachet pas moins de 27 plantes médicinales pouvant guérir beaucoup de maladies et de blessures » ; affirmait-il. A sa demande, nous lui procurâmes un « quart » en fer blanc dans lequel il malaxa un peu de cette poudre miraculeuse avec de l’eau, et l’appliqua ensuite sur la plaie. Après quoi, il maintint le tout au moyen d’une bande de gaze que nous lui tendîmes…

-«  Voilà c’est fini. Donnez-lui à boire de l’eau d’abord puis du thé. Tu peux faire quelques pas si tu veux, mais sans exagération. Dans trois jours il n’y paraîtra plus ! ».

SI EL HADJ TAHAR dubitatif comme à son habitude, objecta :

-«  BOUBACAR, tu es sur qu’il ne s’agit pas d’une morsure ou d’une quelconque piqure venimeuse ? ».

-«  Absolument certain ! Sinon il serait déjà mort ou en train d’agoniser à l’heure qu’il est ! ».

Passablement rassuré, le « boss » se retourna et héla le chauffeur « gaffeur » d’EL GOLEA : « NACER, approche ! Comme convenu, présente tes excuses à SI BOUBACAR ! ». Celui-ci se fondit en excuses pour la bourde qu’il a commise ; puis ce fut au tour de SI EL HADJ de lui serrer fortement la main en lui présentant ses excuses au nom de tous. Le guide parut satisfait et ne donna aucune suite à ce malheureux intermède.

Il était minuit passé. Nous finîmes tout de même par cuire notre diner. Au menu : du « mardoud » avec de la viande séchée. Mais le cœur n’y était plus. Personne n’y toucha ; et nous nous contentâmes avant de nous coucher, d’un verre de thé ingurgité sans plaisir…Nous étions avachis par les événements douloureux qu’on venait de vivre.

Notre malade passa une nuit assez agitée, conséquence du stress dû à la situation très angoissante qu’il venait de subir.

Heureusement le lendemain il paraissait plus calme et plus serein.

Il commença  même  à  faire quelques pas. Il tenta de grimper dans sa cabine, mais le « chef » l’en empêcha.

-«  Il n’est pas question que tu conduises dans cet état. Ton graisseur va le faire à ta place. Je sais qu’il n’a pas encore son permis ; mais il est capable de piloter un camion dans le désert. Nous sommes là et nous l’aiderons. Il n’a qu’à nous suivre ! ».

Nous pliâmes bagage et poursuivîmes notre route, quittant non sans regrets cet endroit macabre.

Le voyage continua ainsi sur la piste qui mène à ARLIT, tantôt évoluant dans le sable, tantôt sur le « fesh fesh », marqué tout de même par deux épisodes d’ensablement au cours desquels on a dû recourir aux grilles de désensablage et aux pelles…Ce qui contribua à retarder notre cheminement. Le trajet dura 4 jours.

ARLIT était une bourgade de quelques centaines d’habitants. C’était un espace pastoral à la limite du désert, où se côtoyaient animaux sauvages : autruches, gazelles, addax…chameaux et autres animaux domestiques, dans un décor de pâturage et des taudis en bois de chauffage, ainsi que des huttes en roseaux et branchages. En traversant cette localité, qui paraissait de prime abord inhabitée ; une nuée de gamins en guenilles, le crâne rasé ; dont plusieurs parmi eux présentaient des Teignes Suppuratives du cuir chevelu ; jaillissant on ne sait d’où, tentèrent de nous barrer le passage…Sans succès…Quelques hommes, des Touaregs, imperturbables, debout devant leurs taudis, nous regardaient passer sans manifester le moindre intérêt à notre présence. Nous aperçûmes, au loin, une vieille femme targuie s’affairer autour de son troupeau de chèvres.

Nous décidâmes, par mesure de sécurité, de ne pas nous arrêter ici, et de nous éloigner le plus possible de ce village perdu.

Nous établîmes notre camp pour la nuit seulement après avoir parcouru une cinquantaine de kilomètres.

Entre ARLIT et AGADEZ, l’état de la piste s’améliora, devint plus large et plus carrossable. Il nous a fallu 2 jours pour atteindre AGADEZ la ville millénaire ! ».

Fondée au 11èmesiècle, elle constituait un centre d’échanges et de rencontre entre populations venues d’horizons divers.

Les Touaregs ne se rendaient dans cette cité qu’en visite, car le reste du temps, ils nomadisaient en brousse.

Le minaret de la Grande Mosquée (27 mètres de haut) ; le plus haut monument du Sahara, construit en BANCO (terre séchée au soleil) caractérise la ville. Ce lieu de culte date du 16èmesiècle…

Au début des années 1960, de graves sécheresses contraignirent de nombreux nomades à quitter la brousse pour venir trouver refuge en ville.

 

           A SUIVRE.  BONNE JOURNÉE A TOUS (TES).

 

KAMAL HADJOUDJA

 

Publié dans K.HADJOUDJA

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M
Un beau récit captivant et instructif. Merci à notre ami Hadj Kamal.
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