"Fantasque aspect de la plus bizarre rivière !"

Publié le par Laghouati

Je n’ai pas résisté à la tentation de partager avec vous une très belle description, pleine de poésie, de jean Mélia, sur l’oued M’zi, qui a donné à Laghouat ses beaux jardins et sa palmeraie, malheureusement, aujourd’hui, disparus à jamais.

 

«  Cette eau, qui survit à la soif de ces millions de bouches invisibles que l’été de feu ouvre partout, se fait ainsi la mère serpentine et bienfaitrice de la grande et petite seguia, elle devient l’heureuse providence de toute la palmeraie. » dit-il en substance

 

 

M.Hadj-Aissa LE 19 Novembre 2008

 

 

La prise d’eau- Partie une- De Jean Mélia in » Laghouat ou les Maisons entourées de Jardins »

 

Comme si nous quittions Laghouat, en cet après-midi de ciel si bleu et de si limpide clarté qu’il semble qu’on marche dans une onde transparente de lumière et qu’on foule sous ses pas de l’azur en poussière, nous avons pris la grande route qui mène vers Djelfa.

 A peine avons-nous rencontré quelques nomades qui, avec leurs ânes chargés de fagots, se dirigeaient vers l’heureuse oasis. Puis ce fut, dans le vaste isolement de la nature, l’oubli absolu de tous les êtres, mais en vérité, nous  ne nous sentions pas seuls, puisque nous avions pour royal et amical compagnon, le soleil le plus pur qui se plaisait à emprisonner, dans un contraste si net, nos ombres mouvantes derrière nous.

Quelques terres cultivées, le bâtiment à arcades de la remonte, les deux bâtiments très distants l’un de l’autre et qui servent au filtrage des eaux de la ville, des pins et tamaris, foret clairsemée que nos soldats  ont voulu imposer au désert même, ont égayé l’espace vide qui nous entourait.

Mais les sables ont triomphé de plus en plus, ils ont presque entièrement recouvert les tamaris. Ce sont partout des dunes que rien ne vient tacher et dont les surfaces si propres et dorées comme le soleil lui-même apparaissent tels les plus légers voiles qu’ait pu tisser l’azur. Au fluide tissage de ces grains imperceptibles, le vent apporte les plus délicats frissonnements d’une amoureuse et incomparable collaboration. Il a strié et ondulé les voiles avec la perfection d’un rêve qui a daigné se matérialiser par coquetterie pour l’infini.

Et pourquoi devant cette tendresse si ténue, nos pas ne peuvent-ils se défendre de ce désir de destruction que, dans le plus profond recoin de nous-mêmes , nous a légué la plus primitive et sauvage humanité ? Il nous plait de tenter de gravir ces collines, si enfantines par tant de délicatesse mise à vouloir s’élever le plus haut possible. Nos pieds s’enfoncent, c’est le sacrilège du sable, la meurtrissure des plus fragiles ondulations, comme l’écroulement d’un ouvrage idéal accompli par la nature dans l’orgueil de son isolement.

Mais, de ce coté, comme pour se venger de notre profanation, les sables se rapprochent en une  masse si épaisse qu’ils paraissent vouloir obstruer la route. On a déblayé le chemin ; nous voici devant l’oued M’zi qui barre de son lit l’entrée même de Laghouat.

 

Fantasque aspect de la plus bizarre rivière ! Par quel caprice l’oued a-t-il voulu s’étendre jusqu’à la prétention souveraine d’un très grand fleuve ? Il s’est, en effet, dans l’abondance de ces terres esseulées, crée le lit le plus large, se contentant, par  on ne sait quelle royale paresse, d’une absence presque totale de profondeur. On dirait qu’il a uniquement  voulu affirmer son empire après avoir pris à témoin de son œuvre les monts d’alentour. Mais c’est un conte des mille et un jours du Sahara ! Il semble, en vérité, que l’oued M’zi n’existe pas ou que, après avoir senti, selon la tradition que Pline rapporte et que nous connaissons déjà, la vie qui fourmillait dans l’oasis si proche, il ait voulu s’enfouir sous terre pour reparaître bien plus loin , quand le décidera son ironique humeur.

 

On s’attendait à voir une immensité d’eau, le lit est à sec ; il semble que la mort a dù à jamais passer par là et tout emporter dans l’abîme de son enfer. C’est une silencieuse et tragique désolation sous le ciel le plus clément, dans le sourire de l’azur, dans le charme de ce jour éclatant. On avait espéré  L’eau scintillante de mille paillettes sous le soleil, et c’est la plus cruelle privation, l’horrible sécheresse qui, de tout cet espace apparu si délicieux, fait le plus effrayant drame des plantes, des troupeaux et des êtres assoiffés mourant au bord même du salut si convoité et de l’eau promise. Il n’ y a rien, que la désillusion qui empêche même la mort d’avoir un aspect consolant dans la torture subie par le mensonge de l’eau, il n’ y a que le feu qui brûle implacablement, que l’envahissement du désespoir qui corrode comme si dans tout le corps pénétrait le plus dévorant acide.

 

 

 

 

Posté le 19 Novembre 2008 par M.Hadj-Aissa

Publié dans Mohamed HADJ AISSA

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